Salut Korean dreamers ! Je suis quasiment sûr que parmi vous, il y a beaucoup de personnes qui, tout comme moi, ont découvert la culture coréenne par le biais de la Kpop. Depuis plusieurs années, on en entend souvent parler dans les médias ( en plus ou moins bien… et souvent avec beaucoup de dédain #touslesreportagesdeTF1 ). Peut-être que ces médias devraient prendre la peine de creuser un peu plus loin que « le physique androgyne des idols et les fans hystériques » pour comprendre d’où vient cette musique plutôt que de toujours rester dans les clichés. Aujourd’hui, Aurélie qui est à la fois DJ et étudiante en Sound Design va nous raconter d’où vient la Kpop à travers cet article très intéressant et bien documenté. J’y ai appris beaucoup de choses alors que j’écoute de la KPOP depuis plus de 17 ans maintenant ! Bonne lecture !
Pourquoi un article sur la musique venue de ce pays lointain ? Étant étudiante en Sound Design je me suis retrouvée en Corée pour la première fois l’année dernière pour représenter mon projet étudiant lors d’un festival à Busan. Avant ceci, je n’avais presque jamais entendu parler de ce pays, hormis lors des tensions politiques liées à la Corée du Nord que l’on entend au JT ou bien sûr le très renommé PSY 😉
En y allant, ce fut un coup de foudre, j’ai trouvé ce pays et ses habitants très attachants, dynamiques, allant toujours de l’avant malgré l’incroyable pression sociale subie par la majorité de la population. Mais aussi, le son de la langue m’a beaucoup plu.
COMMENT DÉFINIR LA KPOP ?
Pour les non-initiés (dont je fais partie), on peut décrire la KPop actuelle comme un style musical qui englobe la musique populaire coréenne avec de fortes influences venues de l’occident. Elle est un mélange des musiques allant de la Musique électronique (Dance/House/Techno/Hardstyle/Trap) au Hip Hop/R&B/Soul en passant par la Pop, le Rock et le Jazz avec très souvent une musique énergique, acidulée et positive. On pourrait aussi rajouter que la plupart des artistes font partie d’un groupe soit de filles ou garçons. Seuls quelques rares artistes sont en solo ou dans un groupe mixte.
ORIGINE – AVANT LA KPOP, LE TROT
Histoire de comprendre un peu plus ce mouvement musical, allons faire un tour du côté de l’histoire musicale moderne coréenne.
Commençons par le trot, un genre musical apparu lors de l’occupation de la Corée par le Japon (1910-1945) mêlant les influences musicales coréennes (principalement le Pansori) avec celles venues du Japon et des États-Unis (dû à l’arrivée des premiers missionnaires chrétiens avant l’occupation japonaise). (Arvidsson, 2015)
Par la suite, dans les années 50, à partir de la guerre de Corée, les troupes américaines stationnées sur le sol Sud-Coréen, importèrent de nouveaux styles musicaux. La soul et le rock viennent influencer la musique populaire coréenne. Ceci permit l’émergence d’artistes tels que les Kim Sisters dans les années 50 ou du groupe de rock Add4 dans les années 60. Les années 80 virent l’arrivée en masse de chanteurs et chanteuses de ballade, le plus connu étant Gwang-Jo Lee. (Mersereau, 2018)
PS : Pour ceux qui comme moi, n’avaient jamais entendu parler du Pansori voici une petite définition de ce genre musical : Le Pansori est une musique traditionnelle parfois comparée au blues américain car c’est un chant parfois en forme de complainte et ainsi un moyen d’expression du peuple oppressé par les puissants. Elle représentait aussi une satire de ces derniers et de la société. Voici une courte vidéo explicative en français sur le Pansori :
Propagande et censure
Tout aussi surprenant que cela puisse paraître, le Trot a été utilisé comme moyen de propagande pour dans un premier temps, contrer l’influence du communisme, puis pour servir le régime du « Président » Park Chung-Hee (au pouvoir de 1963 jusqu’à son assassinat en 1979).
Il fit même interdire et mettre en prison des artistes tels que Shin Jung-Hyeon du groupe Add4 considéré comme le premier groupe de Rock coréen ou bannir les albums du chanteur/parolier Han Dae-Soo pour son caractère contestataire de la politique du régime en place. Malheureusement, plusieurs artistes ont fait les frais de la censure (voir le tableau ci-dessous) aux motifs que leurs musiques étaient trop « occidentale » ou « japonaise » ou les paroles trop contestataires vis à vis du régime politique en place et de la société. (Oh and Lee, 2014)
Evolution
La première vague pop eut lieu dans les années 80 après la fin du régime du Président Park Chung-Hee suite à son assassinat. Elle fut principalement initiée par la jeunesse de la nouvelle classe moyenne urbaine et coïncide avec le mouvement de démocratisation du pays. Cette nouvelle vague montre et fait partie du passage de la Corée d’une société industrielle à post industrielle ou société de consommation/de services. (Arvidsson, 2015)
Mais, la KPop telle que nous la connaissons aujourd’hui, prend forme avec l’apparition des premiers Boys Band dans les années 90. Le tout premier groupe fut Seo Taiji and Boys. Ils se firent connaître par un télé-crochet où ils reçurent la plus mauvaise note du jury ! Mais leur nouveau style mêlant hip-hop et new-jack eut un énorme succès auprès du public coréen. Ce sont eux qui posèrent les bases de la KPop. Et oui , dur à croire mais c’était eux les BTS de l’époque !
Le deuxième groupe le plus connu de cette décennie fut H.O.T. (High-five Of Teenagers).
Les Girls bands arrivent plus tard, vers la fin des années 90 avec le 1er groupe S.E.S. (Romano, 2018)
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INSTRUMENTS ET STRUCTURE MUSICALE
En tant que DJ, si je devais faire une comparaison entre les morceaux pop Occidentaux et la Kpop, la Kpop a une structure un peu différente. Les morceaux de musique Kpop ont bien sûr des refrains et couplets, mais ils contiennent plus de breaks, de variations rythmiques et de tempo. Ainsi qu’un plus grand mélange des genres. Au sein d’un même morceau, il est possible de retrouver des influences rock, hip hop et dance. On peut dire que la Kpop est moins linéaire. Elle se caractérise très souvent sous la forme suivante :
- Pour les structures simples :
Couplet – Refrain – Couplet – Refrain – Pont Ou Couplet – Pré-Refrain – Refrain – Couplet – Pré-Couplet – Couplet (Blume 2018)
- Les plus compliquées :
Intro – Refrain A – Couplet A – Refrain A – Riff – Refrain B – Couplet B – Refrain A+ (Couplet A – Tempo Plus Rapide ) – Couplet C – Refrain A+ – Break (Nouvelle Section, Changement de Tempo) – Couplet (Nouvelle Mélodie) – Refrain B – Refrain B+ (Refrain A+ & Refrain B Ensemble) (Asian Junkie, 2018)
La mélodie doit attirer l’attention de l’auditeur, car elle est avec la voix, un des éléments les plus mis en avant dans une chanson. La durée d’un morceau peut varier entre 2 et 5 minutes
LES INSTRUMENTS
Pour ceux qui ont une bonne oreille, vous avez peut-être remarquer que la plupart des morceaux sont produits sur des programmes informatiques audio MAO (musique assistée par ordinateur). Vive les instruments virtuels, synthé et drums machines ! 🙂
Voici quelques exemples au travers des groupes :
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Mélange entre tradition et modernité
Certains groupes KPop, tels que BTS, Topp Dogg ou Crayon Pop se sont essayés avec le mélange de musique traditionnelle (aussi appelée Gugak) et moderne coréenne en incorporant des instruments tels que le Gayageum (instrument à cordes que l’on peut classer dans la famille des cithares), le Haegeum (un instrument à cordes frottées), le Piri (un hautbois), le Janggu ou d’autres percussions. Mais aussi en appliquant par exemple, les principes du Pansori sur du hip hop. (KpopStarz, 2018)
D’un point de vue personnel, je trouve que cela donne une marque de fabrique unique aux musiques et donne une identité originale et plus forte aux artistes. Voici une vidéo montrant plusieurs groupes ayant fait des musiques mélangeant Kpop et Gugak :
Si ce sujet vous intéresse, vous pouvez regarder cette émission TV/Concert, créée et diffusée par la chaine KBS :
Sinon, voici un extrait avec le groupe B.A.P. :
Qui sont les auteurs et compositeurs ?
Très souvent les auteurs et compositeurs sont coréens mais aussi étrangers. Ils et elles font parfois partie d’une agence et/ou travaillent souvent au sein d’une équipe composée de plusieurs auteurs et compositeurs. Cela permet à chaque agence artistique d’avoir un catalogue complet et varié.
La plupart des compositeurs sont Coréens tels que Hitchiker (SM entertainment), l’équipe de producteurs Sweetune fondée par Han Jae Ho and Kim Seung, le duo auteur/compositeur Black Eyed Pilseung (Rado and Choi Kyu Sung) mais aussi Teddy Park, Seo Young-bae & Iggy, Shinsadong Tiger, MonoTree et bien plus encore…
Le plus étonnant est qu’une partie des compositeurs sont étrangers et habitent en Amérique du Nord ou en Europe tels que LDN Noise (SM Entertainment), David Amber, Ludwig Lindell & Daniel Caesar et Andreas Oberg pour ne citer que les plus connus.
Et à ma grande surprise beaucoup d’entre eux sont suédois ! Il est vrai que leurs mélodies sont plutôt accrocheuses 😉 Apparemment, tout cela aurait commencé à la fin des années 2000 car le suédois Pelle Lindell en charge du répertoire des artistes chez Universal Europe, rencontra l’équipe de SM Entertainment et leur vendit au départ une dizaine des musiques de son catalogue. (Stern, 2018)
Une relation professionnelle forte s’est établi entre eux et la coopération n’a fait que grandir depuis. Pelle Lindell a créé en 2017 EKKO Music Rights Europe qui est une filiale de SM Entertainment en Europe. Son label a aussi des bureaux à Los Angeles et la maison mère est basée à Séoul (Worldwide, 2019). De nos jours, cette pratique s’est étendue et toutes les agences de Kpop ont dans leur catalogue des compositeurs et auteurs venus d’horizons lointains.
Si vous souhaitez en découvrir un peu plus sur la façon dont travaillent les compositeurs avec les agences coréennes, voici une interview en Anglais de Ludwig Lindell & Daniel Caesar très complète sur le sujet :
https://www.toneglow.net/features/caesar-loui-interview
Vous pouvez appréciez le travail qu’on fait ces producteurs sur de grands tubes coréens que vous devez sûrement connaître :
Et voilà ! cette petite introduction sur la Kpop est terminée 😉 Pour ceux qui comme moi ne connaissent que très peu la Kpop, j’espère que ces quelques lignes vous auront aidé à découvrir ce mouvement musical qui prend de l’ampleur en Occident. Pour les connaisseurs, j’espère que vous n’avez pas été laissés sur la touche ! N’hésitez pas à mettre dans les commentaires ce qui vous a surpris ou qui vous était inconnu 😉
Merci beaucoup à Aurélie d’avoir contribué à cet article super intéressant ! Aurélie compose aussi de la musique, si vous voulez voir ce qu’elle fait, n’hésitez pas à faire un tour sur ses chaînes Youtube et Soundcloud :
Site web www.aureliemoiroud.com
Facebook https://www.facebook.com/aujasound/
Sources
Anon, (2018). [image] Available at: https://cpb-us-e1.wpmucdn.com/sites.ucsc.edu/dist/3/352/files/2016/09/DSC09130-sm.jpg
Arts UC Davis (2018). [image] Available at: http://arts.ucdavis.edu/sites/main/files/imagecache/lightbox/main-images/Gamin%20Hyosung%20Kang.jpg
Arvidsson, A. (2015). Book review: Kpop: popular music, cultural amnesia, and economic innovation in South Korea. [ebook] Available at: https://www.researchgate.net/profile/Adam_Arvidsson2/publication/281548372_K-pop_popular_music_cultural_amnesia_and_economic_innovation_in_South_Korea/links/5688f7b208ae1e63f1f8b56e/K-pop-popular-music-cultural-amnesia-and-economic-innovation-in-South-Korea.pdf?origin=publication_detail
Asian Junkie. (2018). Explaining common song structures in Kpop – Asian Junkie. [online] Available at: http://www.asianjunkie.com/2016/09/16/explaining-common-song-structures-in-k-pop
Blume, J. (2018). How to Write and Pitch Songs for the J-Pop and KPop Markets. [online] BMI.com. Available at: https://www.bmi.com/news/entry/how_to_write_and_pitch_songs_for_the_j_pop_and_k_pop_markets
KpopStarz. (2018). Using Traditional Korean Music In KPop: Crayon Pop And ToppDogg Attempt Something New In Their Latest Songs.
Available at: https://www.kpopstarz.com/articles/86143/20140403/kpop-using-traditional-korean-music-crayon-pop-toppdogg.htm
Maliangkay, R. (2018). Kŏnjŏn Kayo: South Korea’S Propaganda Pop. [online] Brill.com. Available at: https://brill.com/view/book/edcoll/9789004217829/B9789004217829-s014.xml
Mersereau, J. (2018). A brief history of KPop | A.Side. [online] On the A Side. Available at: https://ontheaside.com/music/a-brief-history-of-k-pop/
Messerlin, P. and Shin, W. (2013). The Kpop Wave: An Economic Analysis. [ebook] Science Po. Available at: http://gem.sciences-po.fr/content/publications/pdf/MesserlinShin_K-pop01072013.pdf
Oh, I. and Lee, H. (2014). Kpop in Korea: How the Pop Music Industry Is Changing a Post-Developmental Society. [ebook] Available at: https://www.researchgate.net/publication/265835985_K-pop_in_Korea_How_the_Pop_Music_Industry_Is_Changing_a_Post-Developmental_Society
Romano, A. (2018). How Kpop became a global phenomenon. [online] Vox. Available at: https://www.vox.com/culture/2018/2/16/16915672/what-is-kpop-history-explained
SBS (2018). [image] Available at: https://www.sbs.com.au/yourlanguage/sites/sbs.com.au.yourlanguage/files/styles/full/public/podcasts//site_197_Korean_442365.JPG?itok=xyLWlozL
Stern, I. (2018). The Swedish Pop Invasion – Factorialist. [online] Factorialist. Available at: http://factorialist.com/swedish-invasion
The AU Review (2018). [image] Available at: http://www.theaureview.com/sites/default/files/KOFFIA090913-9915.jpg
Worldwide, M. (2019). Publishing veteran Pelle Lidell launches EKKO Music Rights Europe – Music Business Worldwide. [online] Music Business Worldwide. Available at: https://www.musicbusinessworldwide.com/publishing-veteran-pelle-lidell-launches-ekko-music-rights-europe/
Il est trop fort ce Jake.
Mieux que le guide du routard.
Tes vidéos et articles sont de véritables documentaires enrichissants. Cela se distingue des autres Vlog et blog… Cerise sur le gâteau en langue française en plus.
Ayant prochainement le projet de venir en Corée du Sud en Mai, je prépare mon voyage entre ton blog et celui de https://www.voyageway.com/voyager/destinations/coree-du-sud
Encore bravo pour cette organisation et ce partage d’expérience.
Je crois qu’il y a quelques soucis de copier-coller mal réorganisés dans le texte : dans la partie « propagande et censure », certaines phrases ont.. quelques problèmes de cohérence :
« Tout aussi surprenant que cela puisse paraître, le Trot a été utilisé comme moyen de propagande pour dans un premier temps, contrer l’influence communisme, puis pour servir le régime du « Président » Park Chung-Hee (au pouvoir de 1963 jusqu’à son assassinat en 1979) pour avoir refusé de composé une chanson en l’honneur du « président ». (Maliangkay, 2018). »
Je suppose que la dernière partie de la phrase fait référence à Shin Jung-Hyeon mentionné plus bas? et attention, « de composer », « influence du communisme »
Sinon : « après la tombé du régime du Président Park Chung-Hee » ne veut rien dire 😀 soit c’est la tombe du monsieur, soit la chute de son régime! Ou alors, la tombée de la nuit ou du jour ^^ Pour le coup, il a été assassiné donc je ne sais pas si c’est pertinent de parler de chute du régime, surtout que son successeur n’a pas vraiment été plus démocrate et qu’il a fallu attendre la fin des années 80 pour que ça change.
Bonne continuation sur ton blog Jack, j’ai beaucoup aimé l’article sur le mariage de ton ami, j’imaginais les différentes scènes (l’histoire de la bague, la rencontre entre les parents, l’exaspération de ton ami..) On pourrait en faire un film! Je souhaite désormais beaucoup de bonheur (et de sérénité!) aux amoureux 🙂
Merci beaucoup Carole pour les fautes, je corrige cela tout de suite 🙂
Je suis une grande amatrice de Trot et de Pansori c’est ce son particulier qui m’a attiré vers la kpop, je suis plus fan des groupes de premières générations, inconditionnelle de Shinhwa beaucoup moins convaincue par les groupes récents qui se rapprochent plus, à mon sens, de la pop américaine, que de ce qui a fait l’essence de la kpop.Bon article, merci.
Un vrai merci à toi ça m’aide vraiment pour faire correctement mon oral de brevet et ça m’a permis de découvrir des choses que je ne savais pas